lundi 22 juin 2015
A nos transports en commun
A nos destins
frôlés
A nos matins mal
réveillés
Aux sourires
éteints
A nos fuites en
avant
A nos retours
fatigués
A nos regards
volés
A l’air du temps
A nos cœurs
chahutés
A la main tendue
A celle retenue
A nos corps
encombrés
Aux pensées que
l’on traîne
A nos vies
souterraines
dimanche 5 avril 2015
Place des Fêtes (épisode 2)
C’est jour de
marché, l’heure où la place n’est plus qu’un vaste terrain vague jonché de
cagettes vides, d’épluchures et de carcasses en tous genres. J’évite de
justesse la force du tuyau qui, dans son entreprise d’arrosage, balaie tout sur
son passage, puis enjambe ce petit bout d’Afrique aux senteurs d’épices jusqu’à
une porte vitrée parsemée de mille empreintes digitales, grasses et anonymes.
Il y en a ici pour tous les maux, du gastro-entérologue au dentiste-prothésiste,
de l’ophtalmologue au cardiologue.
vendredi 3 avril 2015
Place des Ternes (épisode 1)
Le diplôme illumine
la façade haussmannienne. J’imagine les efforts de la concierge pour donner à
la plaque dorée ce lustre qui fait la réputation du Docteur P. La porte cochère
est lourde comme mon poids que je mets tout entier pour la franchir. Sous mes
pieds hésitants, quelques pavés prolongés par une courette fleurie se changent
un peu plus loin en une moquette épaisse et grenat. J’avance dans une douce
odeur de pivoine mêlée de bois ciré, rassurée : "la maladie ne peut
se nicher dans de tels endroits". D’un bras mécanique, l’assistante m’indique
un salon feutré et lumineux où les regards s’échangent discrètement au rythme de
quelques index rouge vermeil qui feuillettent avec détachement le dernier
numéro de "Côté Ouest".
samedi 31 janvier 2015
La mécanique en mouvement
La petite voix dans le poste, lointaine et familière, chemine jusqu’à
mon esprit endormi. L’écho grandit et les images qui peuplaient ma nuit lentement
se figent sur un carré de papier peint. Dans une rafale de mots, le monde
entier se bouscule dans mon vestibule. Une bombe pulvérise un bus scolaire, le
sable devient fioul, la bourse s’effondre, les plages reculent, un troupeau
part à l’abattoir. Dehors la ville est transie et ne se réchauffera qu’en
milieu de journée sous l’effet d’une éclaircie passagère. A plusieurs fuseaux
horaires de là une armée se déchaîne, un pays entier se soulève et je vois dans
mon unique combat le chemin qui mène à la salle de bain.